Le débat à gauche relancé ces derniers
jours par Emmanuel Macron quant au statut des fonctionnaires, outre le ridicule
du recadrage de ce Ministre néanmoins conforté par le Premier Ministre, nécessite
a minima de connaître ce dont on parle, au-delà des clichés colportés dans le
populisme ambiant. Cette position de retenue et bon sens est à mes
yeux également valable pour les responsables de droite qui, pour certains,
abordent ce sujet uniquement avec leur cerveau reptilien. Mais attention, mon
propos ne vise en aucun cas à refuser la réforme d’un système qui n’est objectivement pas
assez efficace. Bien au contraire, la réforme s’avère indispensable (et les
pistes ne manquent pas) mais la suppression pure et simple du statut de
fonctionnaire paraît exagérée.
Ce qui choque donc autant, c’est
le « statut à vie » qui concerne environ 80% des agents. En effet, les
licenciements - même pour faute grave - sont très rares. En cas de fermeture d’un
service, les agents sont automatiquement reclassés : il n'y a pas de
« licenciement économique ». Cependant, 16,5% des agents des trois fonctions
publiques (soit 875.000 sur 5.300.000 personnes) sont non-titulaires. Ils
bénéficient d'un CDD ou d'un CDI de droit public ou sont vacataires. Les
contrats précaires peuvent être de trois ans renouvelables une fois, soit six
ans maximum, alors qu'on ne peut dépasser dix-huit mois dans le privé.
En période de « vaches
maigres », l’Etat et les collectivités locales disposent des moyens – si leurs responsables
en ont la réelle volonté - de réduire la voilure en jouant sur les départs
naturels et notamment les départs à la retraite. La gestion d’une collectivité
locale doit être un enjeu principal du mandat des élus, et force est de
constater que cela ne l’a pas été durant de très nombreuses années. N’est-il
pas plus agréable, et politiquement porteur, d’inaugurer un bâtiment ou une route que de
mettre de l’ordre dans une collectivité, en ayant parfois à affronter les syndicats ?
Mais faut-il renoncer au statut des fonctionnaires parce que la faiblesse
parasite de nombreux élus ou, au contraire, faut-il se mettre à gérer les collectivités
avec la plus ferme détermination de tendre à l'optimum ? Certains le font, beaucoup ne le font
pas...
Il est parfois affirmé que les
salaires sont, au final, plus élevés dans le public que dans le privé. C’est vrai,
pour l'État et le secteur public hospitalier : par rapport au privé, ils
font travailler un plus grand nombre de cadres diplômés (enseignants,
chercheurs, praticiens...), ce qui relève les statistiques. Mais ce n’est pas
le cas pour la fonction publique territoriale, où le salaire moyen est en
dessous de ceux du privé en raison de la moindre qualification des agents. En
outre, si les salaires du public ont augmenté en moyenne plus vite que ceux du
privé (ils ont progressé de 3,7% par an en moyenne
en euros courants entre 1995 et 2008, contre 2% pour le privé), ils sont
globalement atones depuis la dernière augmentation du point d’indice, en
juillet 2010...
L'absentéisme, c'est-à-dire les
arrêts maladie, est de 2 à 4 jours plus élevé dans la fonction publique que
dans le privé. Pas tant au sein de l'Etat, où il est quasiment le même (8 jours
par an) et a diminué de 1 jour en six ans, que dans la fonction publique
territoriale, où il bat des records ! Il s’élève à 22,3 jours par an pour les
titulaires. Officiellement, cette dérive s'expliquerait par l'âge moyen élevé des agents,
souvent malades... Une explication peu convaincante eu égard à la très faible
différence entre le poids des plus de 50 ans dans la fonction publique d'Etat
(32,3% fin 2009) et dans la territoriale (32,6%). C'est même l'inverse quand on
prend les plus de 55 ans: 16,9% et 15,4%. Il faut plutôt voir dans cet
absentéisme local élevé le résultat, encore une fois, d'une absence de gestion
- et donc de contrôle - des arrêts maladie par les collectivités. De surcroît, la
suppression décidée par François Hollande du jour de carence qui avait été instauré
par le gouvernement Fillon a fait des ravages... Aura-t-on droit à nouveau mea
culpa du Président, comme il l’a fait sur la TVA sociale ?
En fait, on le voit bien, il s’agit
plutôt d’un problème de management, d’une question non assumée d’efficacité et de
productivité. Les promotions, les avancements doivent être réellement accordés
au mérite ; cela nécessite de mettre les mains dans le cambouis, pour être
juste. Les mesures disciplinaires ne doivent pas être source de craintes (de
représailles ou de grèves) vu des élus, mais bien vu des agents (perte de
treizième mois, etc.). Il est impératif que les élus se saisissent de ces dossiers avec
courage afin de renverser le pouvoir dans les collectivités…
Enfin, il y a le sujet crucial des
retraites. Il se dit que le régime des fonctionnaires serait plus avantageux
que celui du privé dans son mode de calcul : 6 derniers mois pris en compte, par
opposition aux 25 meilleures années dans le privé. Cependant les primes ne sont pas
prises en compte dans le calcul du secteur public. Objectivement, pour minimiser de façon importante les dépenses publiques, il vaux mieux revoir les niches, qui ne
sont plus des niches, mais des chenils entiers, s’agissant des départs
anticipés à la retraite dans certains cas, sans pouvoir justifier d’aucune pénibilité…
Alors, face à un certain immobilisme, peut-être faut-il en arriver à utiliser l'arme, la menace, de supprimer le statut des fonctionnaires dans son ensemble, pour parvenir à faire des réformes sur chaque point, pour négocier ?
Je terminerai par l’idiotie de l’organisation
territoriale ou, plutôt, de sa désorganisation en pratique, comme le montre encore le redécoupage régional, et l'enchevêtrement des compétences et des strates administratives. N’est-ce pas là une des raisons principales,
objective celle-là, du dysfonctionnement du système et de la dérive des coûts ?
Mais est-ce la faute des fonctionnaires ou de ceux qui
gouvernent ? ...